Directeur Honoraire de l'Action Sanitaire Sociale
ex-Trésorier de l'Association les Amis de Georges Quertant
Envoyé en Septembre 1944 à Marseille par le Ministre de la Santé Publique, comme délégué régional à la Famille avec juridiction sur les sept départements du Sud-Est, je ne tardai pas à apprendre par ma secrétaire de Nice, que se trouvait à Cannes un chercheur doublé d'un savant qui traitait par une méthode personnelle les troubles du système nerveux. Cette méthode avait obtenue en 1942 l'approbation du Ministère de la Santé Publique, lequel en autorisait l'application aux bénéficiaires de la Collectivité Publique.
Le souci de l'enfance inadaptée était au premier rang de nos préoccupations et je pensais immédiatement que la collaboration de Georges Quertant, dont on venait de me parler, pourrait nous être des plus utiles.
Je lui rendis visite sans retard et je fus aussitôt conquis par la lumineuse intelligence, l'acharnement qu'il mettait à approfondir sans cesse les connaissances étendues dont il faisait preuve, les expériences diverses et remarquablement concluantes auxquelles il se livrait, l'invention, la mise en place d'appareils de sa fabrication qui lui permettaient de mieux déceler la nature des anomalies qui lui étaient soumises et d'y remédier avec efficacité.
C'était un véritable enchantement d'écouter ce musicien, ce professeur de piano, expliquer comment, en partant des troubles de l'ouïe observés chez ses élèves, il en était arrivé par une étude du cerveau, de son mécanisme et de son fonctionnement, à rechercher et à trouver l'origine des troubles du comportement de ceux qui s'adressaient à lui.
Ainsi, avec une inlassable patience, enrichissant constamment ses observations, perfectionnant sans arrêt ses expérimentations, obtenant sans cesse de meilleurs résultats dans la remise en bon état de fonctionnement les cellules cérébrales et nerveuses, Georges Quertant, abandonnant le professorat musical, se consacra entièrement à l'élaboration d'une méthode de culture psychosensorielle et de prophylaxie nerveuse, dans la droite ligne de l'enseignement de Claude Bernard, comme le reconnaît, avec toute l'autorité qui s'attache à son immense savoir le R.P. Sertillanges, Méthode dont il pouvait à juste titre revendiquer la paternité.
Dans une brochure publiée en 1949, G. Quertant rendait du reste un hommage ému au Père de la "Médecine expérimentale", en démontrant que ce grand savant fut l'instigateur, le promoteur de bien des pédagogies et d'une nouvelle neuro-psycho- pédagogie en particulier. Il sema le grain et c'est l'application de sa discipline scientifique, l'exploitation rigoureuse de ses travaux qui permirent de le faire germer. C'est son esprit créateur qui guida, encouragea le réalisateur dans ses recherches jusqu'à ce que l'idée de Claude Bernard soit devenue réalité et que l'œuvre pédagogique pensée par lui soit accomplie. Cet exposé de Georges Quertant était présenté sous forme historique que le RP. Sertillanges jugeait très habile et fort convaincante.
Il fut suivi en 1952 d'une plaquette reproduisant la dissertation sur le complexe somato-psychique qui avait été développé par l'auteur devant ses savant collègues de la Société Scientifique et Littéraire de Cannes et de l'arrondissement de Grasse au cours de la séance du 7 Juin 1959, et que le Bulletin de cette association reproduisit en son tome XV (1957 - 1961). Ce rapport, accompagné de dessins de G. Quertant sur la consistance et le fonctionnement du cerveau insistait spécialement sur l'autorégulation de ses diverses activités et en tirait les déductions nécessaires d'ordre pédagogique, notamment quant à l'équilibre nerveux, à la fatigue nerveuse et à l'adaptation juvénile à la vie moderne.
Certes ce travail est d'une importance capitale mais il ne faut pas oublier que de 1930, date de son entrée dans cette érudite compagnie, jusqu'en 1951, Quertant ne présenta pas moins de 27 communications par lesquelles il souhaitait apporter sa contribution à l'étude des "problèmes humains". De la première qui avait pour titre "Musique humaine" et "musique mécanique", à la dernière en 1951 "Réflexions sur la Cybernétique", que de chemin parcouru ! le petit professeur de piano n'avait pas perdu son temps en consacrant cinquante ans de sa vie à des recherches dont le résultat lui valut une notoriété enviable et largement méritée.
Georges Quertant affirmait finalement de la sorte la pleine maîtrise de sa méthode et la foule qui se pressait à son cabinet attestait, avec la réputation dont il jouissait dans le monde médical, l'excellence des résultats obtenus. Il fut nommé Chevalier de la Légion d'Honneur en 1952 à l'ordre de l'Éducation Nationale au titre de Fondateur du Centre de Culture Psycho-Sensorielle.
Mais il était dommage qu'une telle œuvre ne fut pas plus connue encore et que de semblables réalisations n'eussent pas bénéficié d'une reconnaissance officielle plus étendue. C'est pourquoi je ne cessai de l'inciter à réunir quelques amis au sein d'une association dûment déclarée qui, seule pouvait se voir accorder par l'État l'aide nécessaire à laquelle un particulier si éminent soit-il ne peut prétendre. D'autre part je multipliai les démarches auprès du Ministère de la Santé et de l'Action Sociale dont j'étais le représentant régional pour apprêter son attention sur l'intérêt de tels travaux et le Congrès tenu à Marseille en 1951 par l'Union Nationale des Associations Régionales de Sauvegarde de 1'Enfance Inadaptée fournit à G. Quertant l'occasion de présenter à de nombreuses personnalités scientifiques et sociales, dans un stand à lui réservé, l'état de ses recherches et l'œuvre qu'il avait réalisée. L'intérêt qu'il suscita lui valut de nombreux encouragements à poursuivre ses études et à en développer les perspectives pédagogiques.
Beaucoup de ceux qui apprécient ses efforts, comme le professeur Chauchard, ont toujours regretté que G. Quertant se fut tenu en dehors des milieux universitaires mais il y avait là de sa part un aspect certain de sa modestie foncière et aussi un souci très vif de parachever son œuvre d'une façon définitive avant de l'exposer au feu de la discussion dans le domaine public.
Il faut dire aussi que la santé de G. Quertant ne lui permettait pas de quitter Cannes ; et Nice à cette époque n'était pas une ville universitaire.
Cela posa à sa mort de redoutables problèmes. Il n'avait pas eu le temps et peut-être n'en eut-il pas le goût de former des disciples à proprement parler. Mais très tôt il avait tenu à associer sa fille Marguerite à ses recherches et très vite elle était devenue sa collaboratrice indispensable, acquérant de ce fait une connaissance approfondie non seulement des travaux de son père, mais aussi de sa méthode originale, qui lui permit de pratiquer bientôt avec lui la culture psycho-sensorielle et de prophylaxie nerveuse dont elle devint de la sorte l'unique dépositaire. Elle seule peut se prévaloir d'être l'héritière de sa pensée et prétendre à la pleine propriété du précieux patrimoine que son père lui légua en toute confiance.